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Arezki l'indigène de djamel bendedouche

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Arezki l'indigène   de djamel bendedouche Empty Arezki l'indigène de djamel bendedouche

Message par mendasia 11.04.08 14:00

Arezki l'indigène fait partie des films produits dans le cadre de la manifestation "Alger capitale de la culture arabe", qui fut, comme l' "Année de l'Algérie", une manne aussi soudaine que temporaire d'aide à la production. De facture classique, profitant d'une image lumineuse et simplement cadrée, son souci de faire de chaque plan un tableau donne cette ambiance un peu surannée que l'on trouve par exemple dans Les Amants de Mogador de Souheil Ben Barka. Si je pense à ce film marocain situé à la même époque, c'est qu'il développait lui aussi un point de vue étonnant : celui du colon. On se souvient de l'adage selon lequel les histoires de chasse sont toujours racontées du point de vue du chasseur. Contrairement au désir d'inversion du regard que l'on rencontre chez nombre de réalisateurs africains, le personnage dont le film adopte le point de vue n'est pas Arezki mais la journaliste Albertine Auclair, qui débarque en Kabylie en 1895 pour se rendre sur la tombe de son père, officier de l'armée coloniale. Certes, le sujet du film sera justement son changement de regard, confrontée qu'elle est à des réalités coloniales contraires au discours civilisateur et humaniste tenu en métropole, mais cette validation par le regard de l'autre, renforcée par une citation d'Isabelle Eberhardt en fin de film, limite le propos, comme si la fascination d'Albertine pour l'Algérie était en soi un message.
L'ambiguïté de cette citation est intéressante. Elle date de 1902 : "Plus j'étudie l'histoire de l'Afrique du Nord, plus je vois que mon idée était juste. La terre d'Afrique mange et résorbe tout ce qui lui est hostile. Peut-être est-ce là la "terre prédestinée" d'où jaillira la lumière qui un jour régénérera le monde". Confronté à la dégradation de ses valeurs dans l'aventure coloniale, l'Occident veut croire au supplément d'âme que lui apporterait le Sud. C'est encore très actuel dans les discours de tous styles et dans l'accueil des cinémas du Sud. Le problème est que cela ne consiste pas en la reconnaissance d'un imaginaire autonome à traiter à place égale mais que tout reste hiérarchisé autour d'une vision universaliste centrée sur sa propre conception. Ce n'est pas le monde mais l'Occident qu'il s'agit de régénérer, pour lui permettre de continuer à dominer.
La référence à une "terre prédestinée" n'est pas non plus sans ambiguïté : elle renvoie à ce registre atavique d'une nation élue dans lequel tant de nationalismes ont puisé la légitimité de leurs violences et dominations.
La présence d'un héros sans peur et sans reproches facilite la révolte d'Albertine. Historiquement, il s'est vite construit autour d'Arezki El Bachir, sorte de Robin des Bois kabyle qui récupérait de l'argent chez les colons et les caïds pour le distribuer aux pauvres, et qui mourra guillotiné à Azazga avec son allié Abdoun, une légende de justice qui fait fi des exactions qu'ils pouvaient commettre, cette loi du sang qui choque la douce Albertine. Mais sa lutte contre le code de l'indigénat imposé par la force coloniale en fait une figure emblématique du refus de la terreur orchestrée par les civils qui héritent du pouvoir après 1871.
Bendeddouche a passé une bonne année dans les archives nationales à Alger et Aix-en-Provence, élaborant jusqu'à cinq versions avant d'arriver au scénario définitif qu'il a écrit lui-même. Il déclarait à Farouk Belhabib dans la revue Azaru cinéma n°3 que "les jeunes ont besoin de repères historiques de leur pays pour savoir qu'ils sont en fin de compte profondément algériens". Le film s'inscrit ainsi dans la mise en scène de héros de la résistance et de l'indépendance qui a fait les heures de gloire du cinéma algérien. Les jeunes doutent-ils vraiment de leur algérianité et ont-ils du mal à lui donner un contenu ou bien ne se sentent-ils pas tout simplement enfermés dans un pays qui ne leur ouvre pas d'avenir, comme en témoigne par exemple l'envie d'ailleurs de Rome plutôt que vous de Tariq Teguia ?
Arezki est cependant un héros qui peut déranger : il sauve la vie d'un colon contre des voleurs, entre dans une église pour être parrain d'un enfant catholique, laisse partir ceux qui lui veulent du mal… Il pactise en somme avec l'ennemi, en qui il veut reconnaître un être humain. Là est sans doute l'actualité du personnage qui échappe heureusement aux oppositions purement guerrières pour s'affirmer dans sa recherche de dignité. Cela serait plus fort si le monde ne se partageait pas entre bons colons et méchants, lesquels représentent tous une institution étatique. De même, les Algériens sont divisés entre les caïds et chefs de village qui profitent du pouvoir colonial et le servent sans hésiter à tuer les leurs, et ceux qui se révoltent contre l'injustice et doivent se faire brigands de grands chemins pour lutter désespérément jusqu'au martyre.
Olivier Barlet

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